Premiers retours d’expériences en écologie industrielle : études de cas en Europe et en Amérique du Nord. Synthèse et perspectives
Cahiers de la Chaire d’écologie industrielle
Benoît Duret, 2006
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Résumé :
Les démarches d’écologie industrielle sont des approches territoriales, collectives et intégrées. Elles s’inscrivent sur la durée et font travailler ensemble des acteurs diversifiés aux rôles complémentaires à des échelles locales et régionales. Leur existence et leur pérennité reposent sur des volontés politiques fortes et l’implication d’acteurs volontaires, aussi bien publics (collectivités) que privés (entreprises) ou institutionnels (ministères, organismes d’Etat, universités). Leur animation est généralement assurée par les collectivités ou les universités à travers des structures dédiées (réseaux d’entreprises, centres de recherche, associations, etc.). Leur financement est souvent assuré de manière partagée par des fonds issus du secteur privé, des Ministères d’Etat, de partenariats publics-privés, de subventions d’organismes d’Etat pour la protection de l’environnement, ou encore des agences de développement économique. Les démarches d’écologie industrielle mobilisent des méthodologies d’analyse de flux de ressources et des outils cartographiques afin de comprendre et de renforcer les interactions entre les acteurs économiques grâce à des partenariats innovants tels que les échanges de matériaux, la mutualisation de services ou le partage d’équipements. Elles développent et mettent en œuvre des stratégies de déma- térialisation et d’utilisation sobre des ressources en permettant la réduction des déchets à la source et la substitution de matières vierges par des matières premières secondaires. Elles dynamisent le développement économique des territoires en identifiant des niches de marché pour de nouvelles activités basées sur la réutilisation de matière ou répondant à des besoins locaux de services aux entreprises. Elles renforcent l’ancrage des entreprises, les réseaux de coopération, et l’attractivité des territoires en permettant une relocalisation de l’économie. L’écologie industrielle et territoriale permet en effet de trouver des opportunités d’activités répondant à des besoins locaux avec des ressources locales.
L’intérêt croisant pour les démarches d’écologie industrielle est, globalement, dû à l’influence de facteurs comme le durcissement de la réglementation environnementale, l’instauration de taxes sur l’énergie ou les déchets, l’augmentation du prix des matières premières, la volonté d’un nombre croissant d’industriels et de grands groupes de concrétiser leur responsabilité sociétale d’entreprises, ou encore l’engagement de collectivités territoriales dans le développement durable. La mise en œuvre de ces démarches est notamment facilitée par l’existence et la disponibilité de financements dédiés, l’implantation d’une technologie particulière, l’existence de réseaux interentreprises, d’un bon niveau de confiance entre les acteurs, etc.
L’écologie industrielle reste encore un domaine émergent en France dont on identifie les limites d’application et les contraintes. Ces dernières sont principalement culturelles car le modèle économique existant repose principalement sur une approche individuelle et cloisonnée où la compétitivité et la confidentialité rythment les relations entre les individus et les organisations. Les réseaux de coopération et le partage d’information, fondement des démarches d’écologie industrielle, ne peuvent donc se développer dans un tel contexte. Les politiques de l’innovation en réseau, comme celles soutenues par les pôles de compétitivité, contribuent à une meilleure appropriation des notions de coopération, mais restent encore limitées à des partenariats « entreprises - universités - centres de recherche », auxquels les collectivités et les autres acteurs du territoire ne sont pas systématiquement associés. Par ailleurs larecherche d’innovation y est principalement technologique et donc source d’emplois à haute valeur ajoutée. Les personnes moins qualifiées, celles-là même qui connaissent le plus fort taux de chômage, se retrouvent de fait exclues de ce système d’innovation qui peut contribuer, en définitive, à plus d’exclusion et d’inégalités sociales. L’innovation ne doit pas être un domaine réservé au seul développement technologique et industriel. Une place plus importante doit être gardée à une innovation sociale et environnementale qui renforce dans le même temps les actions pour un meilleur partage des richesses et des ressources.
Les approches d’écologie industrielle prennent ainsi un sens plus solidaire en aidant à identifier des niches de marché pour la création d’activités nouvelles privilégiant des emplois d’insertion par l’activité économique. L’articulation avec l’économie sociale et solidaire permet alors de renforcer des démarches locales de développement durable.
Dans le même sens, la vision et les outils de l’écologie industrielle et territoriale peuvent être mis au service des pays du Sud en vue d’aider les populations rurales à dépasser le stade de la subsistance à travers une préservation et une valorisation des ressources naturelles locales.