Les Cuistots migrateurs font cuisiner les réfugiés

Article de La Croix, 31/01/2017

janvier 2017

La vidéo : 2min52

Ils œuvrent pour l’insertion des réfugiés. Fondée par deux jeunes entrepreneurs en quête de sens, cette entreprise solidaire emploie des réfugiés qui confectionnent des plats du monde entier pour des entreprises, des collectivités locales ou des associations.

Pas facile de fixer un rendez-vous avec Louis Jacquot et Sébastien Prunier. Les deux jeunes fondateurs des Cuistots migrateurs (29 ans tous les deux) ont du pain sur la planche et toujours une casserole sur le feu. Après une première carrière dans des start-up pour Louis et dans la finance internationale pour Sébastien, les deux entrepreneurs, sortis de l’ESC Rouen en 2011, ont lancé il y a un an l’entreprise sociale des Cuistots migrateurs, actuellement en pleine phase de structuration.

« Nous travaillons aujourd’hui avec cinq cuisiniers. C’est encore assez artisanal. Il m’arrive fréquemment de devoir prendre mon vélo pour aller à l’épicerie orientale du coin chercher un ingrédient qui manque ! », s’amuse Louis Jacquot, qui supervise en tablier blanc la production du jour : un cocktail syrien et tchétchène pour une quarantaine de personnes.

Bruit du mixeur et odeur d’herbes aromatiques

Les cuisiniers engagés sont tous des réfugiés. Ils viennent de Syrie pour deux d’entre eux, de Tchétchénie, d’Iran et d’Éthiopie. Tous n’ont pas forcément des années de cuisine derrière eux, mais ils sont « très motivés et très compétents », estime Louis Jacquot. Et, surtout, ils sont riches de leurs cultures culinaires respectives.

Dans la cuisine des Cuistots, le bruit de la friteuse et du mixer couvre la musique d’ambiance. L’odeur des poivrons rouges rôtis tout juste sortis du four et des herbes aromatiques embaume la pièce. Équipée de gants blancs et d’un tablier frappé du logo de la jeune structure, Hasnaa mixe des poivrons rouges qu’elle assaisonne de citron, d’herbes et d’huile d’olive pour composer l’une des entrées syriennes qui sera servie dans quelques heures.

Arrivée à Paris il y a deux ans et demi, Hasnaa travaille aux Cuistots migrateurs depuis six mois. « C’est dur de trouver du travail en tant que réfugiée. Ici, je fais quelque chose qui me plaît. La cuisine syrienne est riche, c’est la meilleure », sourit-elle dans un français encore timide, avant de retourner à ses fourneaux.

Une cuisine différente et authentique

« Avoir un travail est au cœur de l’insertion pour les réfugiés, juge Sébastien Prunier, ça permet de gagner sa vie, mais aussi de rencontrer des gens, d’apprendre le français… Nous pensons aussi que la cuisine permet d’ouvrir les esprits et de montrer ce qu’il y a de positif dans l’immigration. »

Sans jamais avoir prospecté un seul client, les Cuistots migrateurs, dont l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus) est en cours d’obtention, ont servi 7 500 repas l’année dernière. « Nos premiers clients étaient sensibles aux questions d’intégration ou du social de manière large, se souvient Sébastien Prunier. Le public s’est ensuite élargi uniquement grâce au bouche-à-oreille. »

Parmi les clients, des associations, des mairies, mais aussi de grandes entreprises comme Carrefour ou Total, et des jeunes pousses du numérique. « On vient nous voir avant tout pour notre cuisine – différente et authentique –, pas seulement pour le caractère social du projet », se réjouit Sébastien Prunier.

Des cuistots ambassadeurs de leur culture

Diplômé d’un BEP de cuisine, Louis Jacquot a travaillé avec ses cuisiniers à l’adaptation des spécialités de chaque pays aux besoins d’un service de traiteur. Comme ces petits manti, des raviolis au bœuf et à l’aneth, servis en bouchées, ou le keshke, une autre spécialité tchétchène – du boulgour cuit dans une sauce au yaourt, aux noix et à la menthe –, mis en verrines.

Lors des prestations, les cuisiniers des Cuistots se transforment en ambassadeurs de leur cuisine. « Lors du dernier cocktail servi à des salariés de la Caisse des dépôts, raconte Louis Jacquot, Hasnaa a passé plus de temps à répondre aux questions des clients qu’à servir ! »

Julien Duriez

Rens. : lescuistotsmigrateurs.com

(Article de la Croix, 31/01/2017)

Sources :

www.la-croix.com/Economie/Economie-solidaire/Les-Cuistots-migrateurs-font-cuisiner-les-refugies-2017-01-31-1200821460